Menu
Libération
Reportage

Cuba, entre dollar-providence et déprime. Si le billet vert fait vivre de nombreux Cubains, la majorité s'enfonce dans la misère.

Article réservé aux abonnés
publié le 28 novembre 1995 à 9h52

La Havane, envoyé spécial

Sale, déguenillée, La Havane ressemble toujours, avec ses façades lépreuses et ses immeubles effondrés, à une ville délabrée par un cyclone ou une guerre civile. Mais, depuis que le dollar y a trouvé droit de cité, en juillet 1993, la capitale cubaine frémit d'une agitation sans rapport avec l'apathie des années précédentes. La circulation automobile en est le symptôme le plus évident, l'essence étant désormais librement accessible à un dollar le litre (mais elle reste sévèrement rationnée à 20 litres par mois pour les payeurs en pesos).

Après cinq ans de dégringolade, Cuba pourrait avoir touché le fond du gouffre où l'avait précipité le tarissement de la manne soviétique (37% de récession en cinq ans). La libre circulation du dollar a marqué l'étiage, dès 1994, avec une croissance enfin positive de 0,7%. «Elle atteindra 2,5% cette année», prophétise Ricardo Alarcon, le président de l'Assemblée nationale du pouvoir populaire. «Elle frôlera même 3%», a renchéri dimanche dernier le ministre de l'Economie, Jose Luis Rodriguez.

De source officielle, 44% de la population aurait accès, aujourd'hui, à la devise américaine. «Avec un minimum de dollars, on s'en sort plutôt bien», assure Roberto, 35 ans, employé dans un ministère, qui propose ses services de chauffeur et sa Moskovitch pour 25 dollars par jour (125 F). «Je n'ai rien à faire au bureau. En dix jours de travail au noir, je gagne de quoi nourrir ma femme, ma fille, ma mère et mes deux frères chômeur