Vallegrande (Bolivie), envoyé spécial
Ils seraient six, là, enfouis à quelques mètres de la piste où un avion n'atterrit plus que pour les grandes occasions. Six cadavres de guérilleros, morts au combat ou exécutés sommairement, puis enterrés à la sauvette par l'armée bolivienne en octobre 1967. C'est dans cet ossuaire que reposeraient les restes d'Ernesto Guevara, dit le Che, né argentin, héros fondateur de la révolution cubaine, figure mythique du siècle.
La mèche a été vendue à deux journalistes par le général en retraite Mario Vargas Salinas: alors capitaine, il avait reçu l'ordre d'enterrer clandestinement le Che avec cinq de ses compagnons. Le comandante était tombé dans une embuscade le 8 octobre. Blessé à une jambe, il fut conduit jusqu'à une petite école du village de La Higuera et exécuté le lendemain. La légende veut qu'il ait rudement apostrophé son bourreau, un jeune sergent dont les mains tremblaient: «Tire poltron, c'est un homme que tu vas tuer!»
Le 10 octobre, son corps fut transporté à Vallegrande. Ce chef-lieu de province situé à 150 km au sud-ouest de Santa Cruz, bourgade somnolente à 2.000 mètres d'altitude, était alors la base arrière du régiment lancé aux basques de la guérilla. Le cadavre fut exposé comme un trophée dans la buanderie, mais des centaines de curieux sont venus le saluer comme une relique, tandis qu'un photographe immortalisait un portrait mortuaire devenu presque aussi célèbre que l'effigie triomphante du chef de guerre, image emblématique