Orel, envoyé spécial
La salle des fêtes, pleine comme un oeuf, semble saisie d'un recueillement tout religieux. Enfant du pays, chantre de la nostalgie soviétique, apôtre de la renaissance patriotique, Guennadi Ziouganov séduit son auditoire, ravivant les souvenirs comme il a ressuscité le Parti communiste en Russie. Le secrétaire général, donné grand favori des législatives du 17 décembre, parle d'«un pays que tout le monde respectait, admirait, et que des traîtres, des voleurs cherchent à détruire pour s'en partager les miettes». Vague d'approbation, frisson d'indignation, une marée de cheveux gris opine gravement. Aux premiers rangs scintillent des guirlandes de vétérans surchargés de médailles. Suivent les cohortes de retraités, assis cérémonieusement dans les fauteuils de velours grenat. Debout dans les travées, les travailleurs plissent le front, bras lourds croisés sur la poitrine. Tous paraissent sortis d'une toile réaliste, figés dans les canons esthétiques de feu le socialisme officiel.
Si Ziouganov joue de l'imagerie soviétique pour flatter la fibre nostalgique, c'est dans le registre nationaliste qu'il puise ses arguments de campagne, fustigeant les «idéologies importées», le libéralisme économique qui «a produit 20 millions de chômeurs, fait passer 40 millions de travailleurs en dessous du seuil de pauvreté, poussé 15 millions de personnes à la famine, bref, qui interdit à la moitié des Russes le droit élémentaire à la survie». Le secrétaire général se réjouit de