Vorkouta, envoyé spécial
Les muscles bandés, Oleg pèse de toutes ses forces sur le pic hydraulique. La roche est dure, la galerie étroite, mais il ne s'arrêtera qu'une fois le filon mis à nu. «Voilà le vrai prix du charbon», lâche-t-il en haletant. Alors, quand on parle à Oleg de la rentabilité de son puits, de la chute des cours de la houille, des affres financières des mines de Vorkouta, ses épaules s'affaissent. Pour lui, comme pour ses camarades, l'équation reste simple: «Que serait la Russie sans industrie, l'industrie sans charbon, le charbon sans mineurs?»
Les temps sont pourtant révolus où l'on encensait Vorkouta comme l'un des piliers du pays. Et les mineurs, anciens héros du système soviétique, sont désemparés. Beaucoup sont allés, dimanche, grossir les rangs des abstentionnistes. A l'heure des réformes, le gouffre budgétaire des énormes combinats devient un luxe. Le Premier ministre Viktor Tchernomyrdine l'avait rappelé devant les députés en présentant ses projets pour 1995: le soutien aux entreprises défaillantes «n'est plus possible, ni souhaitable». Les subventions aux complexes industriels du nord ont été drastiquement réduites. D'ici à la fin du millénaire, 80 des 300 mines russes seront fermées. Pour cette seule année, 11 sont au point mort, 22 tournent en sous-régime. L'industrie charbonnière russe emploie 810.000 personnes dont un demi-million de «gueules noires». A l'issue des restructurations, ils seront 450.000 sur la paille.
Vorkouta subit de plein fouet