Chongqing, province du Sichuan, envoyée spéciale
On dirait une aquarelle peinte uniquement en gris. Le crépuscule gagne Chongqing, la ville la plus polluée du monde. Est-ce le brouillard, ou déjà la nuit? Mêlée de bruine, l'atmosphère sent le soufre. Les milliers de particules en suspension rendent l'air si épais qu'il semble palpable, et les lumières de cette ville de 15 millions d'habitants, située dans la province du Sichuan, au centre de la Chine, ont du mal à percer. Les enfants de Chongqing imaginent que du haut des collines qui encadrent la cité, des esprits malins déversent des sacs de poussière. Le soleil n'apparaît pratiquement jamais.
Sur la péninsule de sable noir, qui sépare le fleuve Yang-Tsé de la rivière Li-Jiang, en plein centre-ville, des pontons de bois permettent d'atteindre les ferries qui assurent la liaison entre les différents quartiers. Unique tache de couleur dans cet univers sombre, les parapluies des voyageurs qui se succèdent en file indienne jusqu'aux bateaux. Le froid humide transperce les vêtements. Les cornes graves des navires sonnent le départ. L'eau est si poisseuse et brune que les lumières des bateaux peinent à s'y refléter. Quelques centaines de mètres en amont, une imprimerie déverse dans le fleuve des flots de mousse jaunâtre.
Au pied du Comité d'observation de l'environnement, sur l'une des collines de la ville, poussent les uniques plantes encore vertes de la ville. Le président du comité, Xu Yu, un ingénieur d'une quarantaine d'années