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Libération
Reportage

Au Liberia, la loi est encore au bout des fusilsDivisé en fiefs guerriers, le pays est rançonné par les combattants qui refusent de rendre les armes.

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publié le 28 décembre 1995 à 10h54

Monrovia, envoyé spécial

Aussi immanquablement que l'artère principale s'appelle Broad Street, que les policiers portent des colts et des casquettes octogonales, que les taxis sont jaunes criards et que le drapeau national est la bannière américaine frappée d'une seule étoile, la présidence libérienne se perche sur Capitol Hill. Dans cette vaste bâtisse à la façade ébréchée de tirs de canon, les cinq premiers étages abritent l'administration, des fonctionnaires en habits râpés, dans des bureaux vides, aux murs parfois striés de rafales. Une cage d'escalier blindée qui, naguère, protégeait les appartements privés du Président donne ensuite accès à l'empyrée des warlords: les trois étages supérieurs où, après cinq années de guerre, viennent de s'installer les chiefs et leurs boys, en costume croisé, chaussés de Weston, l'épingle à cravate constellée de diamants.

Depuis la signature d'un accord interfactionnel, le 20 août, c'est la paix au Liberia, du moins officiellement. Car, à l'intérieur du pays, divisé en fiefs guerriers, les «combattants» ­environ 60.000, dont un quart n'a pas 15 ans­ continuent de vivre de leur fusil: en s'affrontant entre eux ou, le plus souvent, en rackettant la population civile. «L'huile de palme ou la vie!», ont-ils crié en faisant irruption, fin octobre, dans un village près de Gbarnga. «Nous nous sommes réfugiés dans les marais et beaucoup sont morts par noyade, surtout des femmes et des enfants», raconte un rescapé. Arrivé à Monrovia, il rejoint q