Sarajevo, envoyé spécial
C'est le soir que le ciel de Sarajevo est le plus épatant. Quand, sans attendre le plongeon du soleil derrière les sapins de Vranica, apparaissent dans une atmosphère bleue et claire les premières étoiles, et parfois la lune. Plus tard, l'éclat des astres prolonge dans la nuit l'impression campagnarde qui flotte sur la ville. Au fil des mois de guerre, les Sarajéviens se sont accoutumés à vivre sous des cieux purs de montagne, et l'hiver dans une neige blanche. Pourtant, cette ville, ouverte sur une vallée bordée des tubulures d'usines chimiques, subissait autrefois une brume d'émanations toxiques et de gaz carbonique. Là-haut, donc, le ciel ne regrette ni la paralysie industrielle, ni la diminution du trafic automobile. Ici-bas, l'influence de la guerre sur l'environnement paraît plus complexe, notamment dans les rivières si importantes en Bosnie-Herzégovine.
Par exemple, entre Mostar et Jablanica, où dorment les eaux de la Neretva d'un bleu-vert caraïbe, les pêcheurs sur des barques noires tirent de leurs filets des brochets «plus dodus que des saumons». A l'inverse, entre Donji Vakuf et Gorni Vakuf où coulent les flots tumultueux et gris de la Vrbas, les pêcheurs à la ligne se lamentent de la disparition incongrue des truites. Sur les rives de la Drina, entre Bosnie et Serbie, qui au début de la guerre charriait tellement de cadavres qu'elle était devenue réellement rougeâtre, les paysans se plaignent de la prolifération de serpents et de grenouille