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Libération
Reportage

La disparition du peuple invisible au BrésilLe territoire des derniers Avas-Canoeiros va être englouti. Et leur descendance est aléatoire.

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publié le 29 décembre 1995 à 10h53

Serra da Mesa, envoyé spécial A 300 km à vol d'oiseau au nord de Brasilia et à quinze minutes en canot du chantier du barrage de Serra da Mesa, la réserve indienne des Avas-Canoeiros (1) ­ ses baignades en rivière, ses fruits sauvages, ses siestes en hamac ­ respire l'ambiance de crépuscule confortable que l'administration brésilienne sait prodiguer aux espèces en voie d'extinction. Ils sont six rescapés, appartenant à une même famille, à incarner, dans une apparente insouciance bucolique, l'agonie d'une tribu qui, pendant deux siècles, a refusé la soumission au monde blanc. En dédommagement de l'engloutissement prochain de 4 000 des 36 000 hectares du territoire dont les Avas-Canoeiros sont les seuls occupants légaux, sur les rives du rio Tocantins, la société publique Furnas les nourrit gracieusement.

Ayant épuisé les ressources ancestralement admises de la reproduction en vase clos, le «peuple invisible» de l'historienne Dulce Pedroso se meurt désormais au grand jour: enfants rois d'un bout de zone officiellement interdite (mais truffée de squats de paysans sans terre), Thrumack, 8 ans, et sa soeur Potdjawara, 6 ans, forment le dernier couple connu à même de sauver les Avas-Canoeiros de la fosse commune des ethnies amérindiennes disparues. Leur père, Iawi, unique adulte mâle du groupe, partage ses faveurs désormais stériles entre leur mère, Tuia, leur grand-mère maternelle, Matcha, et la soeur de cette dernière, Nakwatcha. Le ménage à quatre a laissé à ses deux héritiers