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Libération
Reportage

L'armée des porteurs de bambous envahit la ChineA Chongqing, des milliers de paysans pauvres sont venus se vendre comme coolies.

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publié le 4 janvier 1996 à 0h20

Chongqing,

province du Sichuan, envoyée spéciale Ce sont les coolies des Temps modernes. Dans le tunnel qui marque la sortie de la ville de Chongqing, glissant dans la fumée des pots d'échappement, une dizaine d'ombres apparaissent dans les phares des camions. Il est minuit, et les hommes chargés de transporter d'énormes câbles de métal ploient sous la charge en silence, humains sans visage, la tête rentrée dans la poitrine. Vêtus de la même veste Mao de coton bleu, âgés de 14 à 60 ans, ils portent tous sur l'épaule un long morceau de bambou, appelé pang-pang en chinois.

Ce pang-pang est à la fois leur outil de travail et leur signe de distinction. Avec l'aide d'une corde, le morceau de bambou permet de porter des charges de plusieurs dizaines de kilos, grâce à un mouvement de balancier sur l'épaule. Lorsque la charge est trop lourde, deux hommes peuvent unir leurs forces, et ils partagent ensuite le maigre gain.

Assis sur les marches de l'hôtel de Chongqing, où une chambre coûte 250 francs, soit environ un mois de gain potentiel, un groupe d'une vingtaine de pang-pang attend les clients. Les voici, par poignées de plusieurs centaines, déambulant sur le port, accroupis sur les quais, en attendant le débarquement des bateaux qui descendent le fleuve Yang-tsé. En revoilà, groupe compact, sur le parvis de la gare routière, à la sortie des grands magasins, dans les chantiers en construction, aux feux rouges, aux feux verts, tous les 100 mètres, tous les 10 mètres, tous les 2 mètre