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Libération
Reportage

A Moscou, les SDF n'ont plus droit de citéLa municipalité veut «nettoyer» la capitale de ses quelque 250 000 «bomji» et mendiants.

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publié le 5 janvier 1996 à 0h18

Moscou, de notre correspondant

Les congères bordent la chaussée, hautes barricades de neige. La glace transforme les trottoirs en patinoires où se pressent des voyageurs emmitouflés, chapkas enfoncées jusqu'aux yeux, la démarche mal assurée. Sur la monumentale façade de la gare Paveletski, un thermomètre flirte avec les 20 degrés sous le zéro. A l'aube de la nouvelle année, l'hiver russe affermit son emprise sur la capitale russe et les sans-abri abordent la vague de gel avec inquiétude. Pour le seul week-end de fêtes, «du 30 décembre au 2 janvier, plus d'un demi-millier de Moscovites ont été hospitalisés pour hypothermie, dont 94 dans un état grave», précise Igor Nadejdine, porte-parole des services de santé municipaux, «17 n'ont pas survécu, ce qui porte à 277 le nombre de morts par le froid depuis le mois de novembre». Parmi les victimes, les «bomji» payent un lourd tribut.

Dans un manteau sans âge d'une toute relative épaisseur, Léonid Nitchaïev grelotte à pleines dents. Lèvres tremblantes, il se réchauffe d'une soupe fumante que servent chaque soir, devant la gare, les volontaires américains de l'Armée du Salut. «Je suis né à Moscou, raconte ce SDF de 46 ans, et j'y vivais dans une chambre, dans un appartement communautaire, jusqu'en 1989. A l'armée, je me suis mis à boire. Si bien qu'à mon retour, on m'a envoyé dans une clinique pour une cure de désintoxication. Deux ans, sans grands résultats. Et mes voisins en ont profité pour récupérer ma pièce. Depuis, je vis dans l