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Libération
Reportage

Le long de la Drina, les ponts ne mènent plus nulle partChassés dès 1992 de Visegrad et Foca repeuplées aujourd'hui par les Serbes, les Musulmans vivent repliés à Gorazde.

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publié le 6 janvier 1996 à 0h11

Foca, envoyé spécial Le célèbre pont qui enjambe, sur neuf arches de pierre, la Drina, à l'entrée de Visegrad, est intact. Malgré de multiples rumeurs qui, pendant les quatre années d'isolement de cette ville, l'avaient décrit dans les flots. A l'encontre d'autres rumeurs, ce n'est pas du haut de ce pont historique, raconté dans le roman d'Ivo Andric, Un pont sur la Drina, que 138 Musulmans furent jetés dans les eaux, aux premiers jours d'avril 1992, puis mitraillés tandis qu'ils tentaient de surnager. Mais d'un autre pont, moderne, 300 mètres plus loin. Nenad Savic, un survivant, explique avec un humour noir, en vogue à Sarajevo: «Les Tchetniks n'ont obéi à aucune considération architecturale, d'autant que la plupart n'étaient pas du coin. Ils ont choisi le pont le plus éloigné dans le sens de la rivière, pour éviter que le rouge dans l'eau ne traverse la ville et ne choque les enfants qui se promenaient sur la rive.»

Si la préservation du pont demeure une intrigue, ce n'est pas que les combats dans cette ville du sud-est de la Bosnie furent dévastateurs, bien au contraire. Avec violence et cruauté, peu égalées, les milices serbes déclenchaient et achevaient une campagne d'expulsion des Musulmans, sans réels affrontements, avant même que les bombardements commencent à Sarajevo. A l'écart de la vallée, ces milices serbes jetaient à l'eau ou sur les routes des milliers de gens avant que l'on envisage, y compris en Bosnie, l'idée de la purification ethnique.

L'étonnement à regar