Menu
Libération
Enquête

La télé sud-africaine a pris des couleursAutrefois relais de l'apartheid, la télévision émet aujourd'hui en seize langues.

Article réservé aux abonnés
publié le 6 février 1996 à 1h42

Johannesburg, de notre correspondant

Pat Pillai, jeune directeur de la communication à la Compagnie sud-africaine de télécommunication (SABC), la télévision nationale publique, se rappelle de son arrivée dans la grande maison, en 1993, peu avant l'élection de Nelson Mandela. «J'étais parmi les premiers candidats non blancs que l'entreprise a recruté. La vieille garde qui contrôlait encore la télévision sentait qu'elle devait s'ouvrir pour garder sa place.» Un jour, il monte à la salle de contrôle, dernière étape avant la diffusion des émissions. Intrigué, il aperçoit sur un bureau un téléphone de couleur rouge, qui semble n'appartenir à personne. «On m'a expliqué que personne, à la salle de contrôle, n'a jamais su qui était à l'autre bout du fil. Le téléphone rouge ne pouvait que recevoir. Il pouvait sonner au milieu d'un programme. Les techniciens se contentaient de dire, en afrikaner bien sûr: Oui, Monsieur. Bien, Monsieur. Tout de suite, Monsieur. Dans la seconde, le programme était coupé et on annonçait aux téléspectateurs une panne technique.»

Le mystère du téléphone rouge est un des sujets sur lesquels une commission gouvernementale a été chargée d'enquêter après la chute de l'apartheid. A l'autre bout du fil, c'est probablement un cadre du Parti national, pilier de la ségrégation raciale, qui pouvait intervenir dès qu'il jugeait un programme contraire à l'idéologie du régime ou simplement qu'une image lui déplaisait. C'est dire jusqu'où la censure et le lavage de cervea