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Libération
Reportage

Le carnaval de Rio tente de briser le mur du silenceUne école de samba a fait danser des jeunes sourds.

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publié le 19 février 1996 à 1h08

Rio, de notre correspondant

Des mains gantées de blanc dessinent des arabesques dans la lumière des projecteurs. Sur les avenues bordées de tribunes qui mènent à la place de l'Apothéose, terminus du défilé du carnaval de Rio, une douzaine d'enfants et d'adolescents sobrement déguisés s'efforcent d'harmoniser une gestuelle énigmatique. Conçue par les Héritiers de Vuila Isabel, une école de samba mirim (junior), l'étrange chorégraphie présentée jeudi en ouverture du défilé répondait pourtant à une nécessité «linguistique»: le groupe qui la pratique est totalement composé de sourds. Tout en dansant, ils ont, en quelque sorte, «mimé» la chanson entonnée au long du trajet par les mille autres membres de l'école.

«La magie du carnaval est capable de rompre le mur du silence», confiait quelques jours auparavant Roseana Silveira, une éducatrice spécialisée dans la langue des signes. Par une matinée caniculaire, elle venait de participer aux évolutions carnavalesques de soixante enfants souffrant de handicaps divers qui saluaient la fin d'un séjour en colonie de vacances au fort de Leme, à l'une des pointes de la plage de Copacabana. Emballée par la patucada (le rythme) d'un orchestre de percussionnistes, elle avait dansé face au moniteur Luiz Mauro tenu pour un phénomène de la samba: sourd de naissance, ce jeune Noir filiforme de 19 ans, figure des Héritiers de Vuila Isabel, exhibe de fait un sens du rythme qui balaie toutes les idées reçues sur un handicap que l'on pourrait croire ré