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Libération
Reportage

Les exilés serbes de Sarajevo cherchent l'oubli. Ils sont nombreux à prendre la route de Bratunac, près de la frontière, pour y refaire leur vie.

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publié le 22 février 1996 à 0h56

Bratunac, envoyé spécial

Ce qui devait arriver arriva. Dans la forêt de Zlojebovi, sous un brouillard de neige, un autobus aux pneus usés, fumant de la mauvaise essence, dérapa dans le lacet d'une pente et immobilisa toute la colonne derrière lui. Des petites Zastavas aux toits recouverts de capotes, des camions pleins de meubles, des baignoires, des cartons, des réfrigérateurs, des magnétoscopes, des valises... et des gens.

Dans l'autobus, certaines femmes, emmitouflées dans des manteaux noirs, ne sèchent pas leurs larmes. D'autres regardent droit devant elles ou papotent doucement. Plus haut, sur le bas-côté, des jeunes dans des voitures écoutent la radio. Des chauffeurs vérifient l'huile des moteurs ou fixent des chaînes sur les roues. Rien ne ressemble plus au visage d'un exilé que celui d'un autre exilé. L'épuisement des derniers jours, la lassitude de l'attente, la soumission, l'anxiété du lendemain se mêlent dans les regards à un évident sentiment de honte.

Zlojebovi se situe à mi-route entre Sarajevo et la Serbie. Entre Hadzici, un faubourg de la capitale, peuplé de Serbes, qui réintégrera l'administration bosniaque dans un mois, et Bratunac, ville de population serbe proche de la frontière. Les deux municipalités ont passé un accord de «dé-repeuplement». Aussi, tous les jours, des dizaines ou des centaines de gens de Hadzici prennent la route vers Bratunac, où un comité d'accueil les attend avec des propositions d'hébergement collectif ou individuel pour remplacer les