Madrid, de notre correspondant Le salon est vite devenu trop petit, avec ses rares mètres carrés envahis de ces bibelots qu'adorent accumuler les Espagnols. La famille Torres se bouscule dans cet appartement exigu de Leganés, un de ces gros bourgs banlieusards du sud de Madrid, des rangées d'immeubles équarris tant mal que vite au cordeau dans les années 50 et 60 pour éponger l'exode rural du sud du pays. Tout jeune, derrière ses parents, Pedro le père est ainsi monté le plus près possible de la capitale, depuis Linares, pays andalou d'oliviers et d'ébénistes.
Ouvrier, il a touché à tout: meubles, pâtisseries, papier, maquettes d'architectes, carrosseries. Il a été concierge ou... acteur sans avenir devant la caméra de Mario Camus. Il a tout essayé pour, à 56 ans, en arriver au doute, avec l'allocation chômage minimum, 2 000 francs par mois, une fois ses droits épuisés. «Je suis prêt à accepter n'importe quel contrat-poubelle, et qu'on ne me dise pas que je suis trop vieux, se rebelle-t-il. Je suis aussi en forme qu'à 25 ans et j'ai plus d'expérience.»
Il a un souvenir très personnel de cette année 1992, quand, au coeur de la crise, l'Espagne s'enivrait dans les fastes de l'Exposition universelle de Séville et des JO de Barcelone. Le pays vantait sa modernité, glosait sur les retards censés avoir été rattrapés, dépensait pour mieux s'affirmer. Au 4e trimestre, la barre des 3 millions de chômeurs est franchie, la gueule de bois commence. A la fin de l'année, «deux jours avant N