Madrid, de notre correspondant
Comme tous les soirs vers 8 heures, quand se boucle le journal du lendemain, Pedro J. Ramirez est sur les nerfs. Tout à coup, il s'éjecte de son bureau, d'où il relit la quasi-totalité des articles à paraître. Il déboule dans la grande salle de rédaction et charge contre un journaliste de base: «Il ne faut pas écrire Untel, qui a défendu la démocratie pendant la guerre civile mais qui combattait aux côtés du gouvernement de l'époque.» Plume basse, l'anonyme corrigera son article. Patron d'El Mundo, le quotidien de la fin du felipisme, Pedro J. adore pervertir les nuances: «Il ne serait pas correct de qualifier le projet de Felipe Gonzalez de totalitaire, mais il est totalisateur.» Il faudrait donc résister, et El Mundo, brûlot déchaîné contre le président du gouvernement, s'en charge, depuis sa création en 1989.
Sur la quatrième de couverture de son autobiographie hagiographique, David contre Goliath, échec et mat au felipisme, Pedro J., 43 ans, se présente lui-même comme «un journaliste ni plus, ni moins fidèle aux principes de base de sa profession, la vérité et l'indépendance, qui a levé durant des années son doigt accusateur pour dénoncer sans peur les misères du régime qui a gouverné les Espagnols depuis 1982.» Un Tintin content de lui, chargé de rééduquer des Espagnols qui se trompent depuis bientôt quatorze ans. Et qu'importe s'il faut pour cela comparer Felipe à Goebbels, le taxer de caudillo à longueur d'éditoriaux. Dans El Mundo,