Spécialiste du terrorisme, matière qu'il enseigne à l'Ecole supérieure de guerre, et auteur de la Stratégie de la guérilla (Payot), Gérard Chaliand explique pourquoi une organisation affaiblie telle que le Hamas n'a pas d'autre choix que l'arme des attentats-suicides.
La stratégie de l'attentat-suicide est-elle, comme on le dit souvent, issue d'une spécificité des chiites du Moyen-Orient?
C'est absolument faux. Si on cherche une filiation, il me semble que l'attentat-suicide se situe dans le droit fil du tyrannicide. Depuis que les tyrans existent, on trouve des gens prêts à mourir pour les faire disparaître. Il s'agit en quelque sorte de martyrs actifs. Le tournant est pris au XIXe siècle par les populistes russes: contrairement au meurtre du tyran à l'arme blanche, l'attentat à la bombe est une chance de tuer sans être pris. Les anarchistes, par la suite, pratiqueront les attentats contre les têtes couronnées et les chefs d'Etat en assumant le risque de devoir disparaître en même temps que leur victime.
Quelles sont les actions terroristes qui, dans l'histoire, relèvent de ce choix?
Dans le cadre de l'Islam, la secte des Assassins (secte chiite ismaélienne, active du XIe au XIIIe siècle) dont les agents étaient drogués et qui avaient pour mission de tuer un responsable politique important. Les pilotes d'avions-suicides japonais, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, s'inscrivent également dans ce courant. La supériorité militaire des franquistes a également poussé les anarchistes espagnols à la fin de la guerre civile à se transformer en véritables commandos de la mort. On peut aussi considérer qu'il y a eu une tradition militaire de l'attentat suicide, de la Révolution fr