La foule a peu à peu recouvert tout le dos noir de la colline. Sur chaque caillou, un enfant s'est perché. Bras dessus, bras dessous, les hommes se serrent, se bousculent, envahissant le moindre repli de terrain. De là, on surplombe toute la plaine ou plutôt un horizon où s'enchevêtrent des milliers de huttes, de branchages tressés, de minuscules cabanes bâchées, une invraisemblable mégalopole troglodytique où vivent 210.000 réfugiés rwandais depuis près de deux ans.
Fin février, l'administrateur de la région a annoncé qu'il voulait leur parler. Tous l'attendent. Depuis trois semaines déjà, les représentants locaux du gouvernement de Kinshasa multiplient les pressions pour que les quelque 700.000 réfugiés rwandais autour de Goma retournent dans leur pays.
L'administrateur vient de saisir le mégaphone. «Mes chers amis, nous vous aimons.» Il marque une pause. «Mais j'ai malheureusement à vous annoncer une série d'interdictions.» Désormais, dit-il, les activités de commerce sont interdites à l'intérieur du camp et les réfugiés n'ont plus le droit de s'éloigner du site, mesures qui frappent déjà le camp voisin de Kibumba. Une sorte de blocus en somme, où tout ce qui agrémentait les 1.700 calories quotidiennes et les 15 kilos de bois distribués à chacun sous l'égide du HCR (Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies) est désormais prohibé. Au mégaphone, l'administrateur poursuit: «En cas de résistance, on va agir. Les militaires zaïrois n'attendent que cela, vous le savez. J'