Lorsque, jeune commandant, il prit le pouvoir par la force, il se
vantait dans le style cryptomythologique qu'il affectionne: «La branche ne casse jamais dans les bras du caméléon.» C'était en octobre 1972. Depuis, l'animal lui colle. Cependant, tout «caméléon» qu'il est, l'ex-dictateur militaro-marxiste du Bénin peut-il revenir à la tête de l'Etat, élu démocratiquement? Avec 34% au premier tour de la présidentielle, en talonnant Nicéphore Soglo, l'actuel chef de l'Etat, Mathieu Kérékou le prouve, d'autant qu'il vient de nouer des alliances électorales qui font de lui le favori du second tour, ce dimanche. Changeant de couleur selon l'environnement, l'ancien «grand camarade de lutte» assure sa prise au fur et à mesure de sa progression. Cependant, tel son totem, c'est surtout son faible poids qui lui permet de s'avancer jusqu'à la pointe extrême de frêles branches. Aussi, une fois élu, l'homme fruste du Nord risque de n'être que le jouet de ses alliés sudistes de circonstance.
Madré dans un pays où tout le monde se veut intelligent, Mathieu Kérékou, né, en 1933, dans un village près de Natitingou, en pays Somba dans l'extrême nord du Bénin, a assimilé une donnée majeure dès sa naissance: la façade maritime du Bénin, longtemps embarcadère d'esclaves puis débarcadère de marchandises apportées par le Yovo, «le Blanc», n'est que de 125 kilomètres, alors que la profondeur nord-sud du pays est trois fois plus grande. Il en résulte que l'inertie des paysans de l'intérieur l'emporte