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Libération
Reportage

Bogota, 2400m au-dessus du niveau de paranoïaMultiforme et affectant toute la Colombie, la violence se traduit par 35 000 meurtres par an.

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publié le 15 mars 1996 à 2h42

Bogota, envoyé spécial

La nuit tombe sèchement sur Bogota. Dans le centre-ville, les employés ne s'attardent pas. D'ailleurs, nombre de bars, que l'on pourrait croire ouverts jusqu'à une heure tardive, comme il sied en terre latine, baissent vite leur rideau de fer. Chacun chez soi. Les noctambules fortunés iront dîner dans un restaurant chic du barrio norte, le quartier élégant où la classe moyenne s'efforce de rejoindre l'oligarchie. Standardiste à Telecom, Lucia Mejia termine son travail vers 21 heures. «Je dois marcher dix minutes pour aller prendre mon bus et j'ai la frousse à chaque fois», se plaint-elle avec un brin d'exagération, puisque en cinq ans, il ne lui est rien arrivé. «Oui, mais il se passe tellement de choses terribles ici...»

A l'heure où les cols blancs s'en vont, une humanité en haillons, provenant des faubourgs misérables du sud, s'égrène dans les rues à peine éclairées, à la recherche de papiers, cartons, ou d'un reste de nourriture. Sous l'oeil indifférent des vigiles privés qui prennent place devant les immeubles. A la porte du Mac Do, un garde en uniforme, le colt à la ceinture, veille sur la recette des hamburgers. Si d'aventure un touriste veut faire quelques pas vers la belle place Simon-Bolivar, où convergent les ruelles de la Candelaria, le vieux quartier colonial, on fait tout pour l'en dissuader. Trop dangereux. La place est pourtant sous haute surveillance, puisque l'hôtel de ville y jouxte le congrès et le palais de justice, dont la reconst