Menu
Libération
Reportage

Tchétchénie: villages rasés en représailles. Près de 15.000 civils tchétchènes sont poussés à l'exode par les Russes.

Article réservé aux abonnés
publié le 18 mars 1996 à 2h37

Ordjonikidzevskaïa, envoyé spécial

La douleur la tenaille. Cette balle, tirée à bout portant, qui lui a traversé les entrailles où s'éveillait un enfant. La rage contre ces soldats qui l'avaient encouragée à sortir de sa cave, lui promettant un libre passage. Mariette Sotsita s'est laissé convaincre. Parce qu'elle était enceinte de huit mois. Parce que ses trois enfants devenaient fous dans ce sous-sol vibrant depuis deux jours sous les impacts des obus. Elle rassemble sa progéniture, quelques vêtements, et, soutenue par un oncle chenu, s'engage dans le «corridor humanitaire» concédé par les troupes fédérales à travers leurs lignes. Mirage d'échappatoire au siège de Sernovodsk. Une dizaine de mètres. Les soudards ouvrent le feu. «Voilà ce que coûte d'accorder sa confiance aux Russes», gémit-elle. Chaque mot lui arrache un horrible rictus, une toux grasse. La blessure se complique. Pneumonie. Mais cette jeune mère tchétchène de 32 ans tient à témoigner. «Dire comment ils nous traitent. Pire que des chiens...»

Ils sont une cinquantaine dans les hôpitaux d'Ingouchie, petite république voisine de la Tchétchénie, «vieillards, femmes, enfants, tous des civils», précise le docteur Bachir Aloudinovitch, chirurgien-chef de la clinique de Sounja, «blessés par éclats ou par balles». Victimes des représailles des troupes russes contre les bourgades tchétchènes qui payent ainsi le prix de leur soutien, même passif, aux combattants indépendantistes. Sernovodsk, la semaine dernière, écrasé