Vienne, envoyée spéciale
Ce type-là avait tout pour faire un malheur. En lançant, la semaine dernière, une pétition «contre l'Union européenne» et pour «la sauvegarde de la neutralité nationale», Heinz P. Schmutzer, citoyen viennois, s'est emparé des deux thèmes qui flattent le plus aujourd'hui l'opinion publique autrichienne. L'opération semblait d'autant plus habile à la veille du sommet de Turin dont l'un des enjeux sera la position des pays neutres au sein de la future défense européenne. Mais voilà, Heinz P. Schmutzer ne fera pas un malheur. Mardi, sa pétition a largement dépassé le seuil des 100.000 signatures, qui oblige le Parlement à se saisir du débat, selon la législation en vigueur. Ce sera donc fait. Mais la discussion est mort-née.
«C'est le mauvais homme, au mauvais endroit et au mauvais moment, commente Anton Pelinka, professeur à l'université d'Innsbruck et politologue réputé. Pourtant, précisément à cause de ses maladresses, il dévoile les fissures de l'Autriche. Nous vivons dans le mythe de notre neutralité et nous le défendons avec enthousiasme. Mais nous ne savons pas nous-mêmes ce qu'il veut dire.»
Imposé en 1955 après le retrait des troupes alliées, ce serment constitutionnel de «non-engagement illimité» est peu à peu devenu en Autriche ce que Doris Pollet appelle «un enfant bien-aimé». Cette élue des Verts, dont le parti est aujourd'hui le plus clair défenseur du dossier, poursuit: «Emotionnellement, l'Autriche s'est reconstruite autour de cette valeur