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Libération
Reportage

«Plutôt l'enfer burundais que la mort au Rwanda»Menacés dans leur pays, des Hutus préfèrent fuir au Burundi malgré la misère des camps.

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publié le 5 avril 1996 à 4h35

Ngozi, envoyée spéciale

Il a faim, le dit et, autour de lui, les autres s'esclaffent bruyamment. Lui proteste: «Je pensais que, dans les camps de réfugiés, les organisations humanitaires servaient des plats chauds cuisinés, comme dans les snack-bars.» Maintenant, les plaisanteries l'escortent. L'un lui tape sur le ventre, l'autre pince son biceps ou frôle sa joue rebondie. «Bientôt, tu seras comme nous», prédit Oreste, poitrine creuse sous la chemise qui flotte comme le drapeau en berne du camp de Ruvumu. Là, au nord du Burundi, vivent près de 17.000 réfugiés rwandais qui, dès juillet 1994, ont fui les suites du génocide dans leur pays. Innocent l'affamé, lui, vient juste d'arriver. A cause d'un père trop vieux, il avait dû renoncer à prendre la route de l'exode. Et s'en était plutôt bien porté, affirme-t-il, vivant en paix sur sa colline natale au milieu des nouveaux vainqueurs du Rwanda. «Mais, depuis le début de cette année, tout s'est aggravé au lieu de se calmer, dit-il. On s'est mis à me menacer, j'ai dû fuir à mon tour.»

Il y a dix jours, au camp de Ruvumu, une vingtaine de jeunes gens, dans une situation comparable, viennent de s'inscrire sur le registre des nouveaux venus. Alors que s'intensifie encore la campagne de rapatriement vers le Rwanda, qu'organisent conjointement le HCR (Haut Comité aux réfugiés des Nations unies) avec les gouvernements rwandais et burundais, ces arrivées inattendues provoquent un vent de panique dans les camps de réfugiés et soulèvent de