Menu
Libération
Reportage

Les Libanais ressoudés par le deuil de CanaDans un rare ensemble, ils ont rendu hommage, hier, aux victimes du carnage israélien.

Article réservé aux abonnés
publié le 23 avril 1996 à 3h50

Tyr, envoyé spécial

Ce matin, à Tyr, rien ne distingue cette journée de deuil national. Rade immobile, squares vides, stores baissés, les rues respirent la désolation de tous les jours. La ville s'apprête à commémorer les victimes de Cana sous la pluie. Un temps, le silence du ciel laisse croire à un répit de l'aviation israélienne. Il n'est que technique. Dès que la brise emporte les nuages, retentissent les premières explosions.

Au Cocktail Bar, seul café ouvert, Mustapha Aida dessine des cauchemars sur un carnet. Professeur à la faculté des Beaux-Arts de Beyrouth, il est descendu avec sa famille dans le sud pour se«mettre à l'unisson de la souffrance des victimes de Cana». Il crayonne des corps enchevêtrés dans la perspective d'une exposition itinérante.

Cet artiste, renommé, citadin, nanti, ne sympathise pas avec les thèses du Hezbollah. Mais il dit ce que répètent la plupart des Beyrouthiens: «L'offensive israélienne avait pour objectif de réduire la puissance du Hezbollah et de désolidariser la population. Le massacre de Cana a produit l'effet contraire. Ces bombardements ne font que hezbolliser le Liban.» Dans la banlieue sud de Beyrouth, fief islamiste, les rues désertes résonnent des chants religieux que diffusent les haut-parleurs des voitures. Dans le quartier Achrafiyé, fief chrétien, les promeneurs prennent le bon air d'un jour de printemps chômé. Pour la première fois depuis douze jours, la capitale se met au diapason de la région sud. Les drapeaux du palais prési