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Libération

La famine, outil politique au NigerSi les besoins alimentaires sont réels, les estimations sont ambiguës.

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publié le 25 avril 1996 à 3h44

Niamey, envoyé spécial

Blottie contre sa mère, enroulée dans un bout de tissu, elle n'est qu'une tête sénile, un crâne aux orbites som-bres. Etendue nue sur le matelas. Une tête et un corps en appendice qui pèsent trois kilos et demi. Pourtant, la petite fille a onze mois. «C'est la seconde fois qu'elle vient ici», indique le Dr Youssef Gamatié, pédiatre à l'hôpital national de Niamey, la capitale du Niger. «Elle était bien remplumée, la dernière fois quand elle est repartie.» Avec sa mère, elle était alors retournée dans un campement à la périphérie de Niamey, dans la «ceinture de misère». Là-bas, il y a peu à manger et, au sein de familles où ne comptent que ceux capables de travailler, les enfants mangent les derniers. «Mais par crainte d'attirer sur l'enfant les mauvais esprits, personne ne dirait: voilà un bébé malnutri», explique le Dr Gamatié. «En fait, dans nos traditions, la malnutrition n'est pas médicalisée. Au lieu de venir ici, la mère consultera un marabout, achètera des gris-gris. Voyant que son enfant ne va pas bien, elle ne cherchera pas à le soigner mais à l'exorciser.»

Ainsi va la routine dans le pays le plus démuni de la planète, selon le coefficient pour le développement humain des Nations unies. En cette terre sahélienne, la faim est un hôte régulier, et presque un tiers des enfants meurt avant l'âge de 5 ans. Toute l'année, l'hôpital de Niamey accueille une trentaine de petits corps au ventre ballonné ou, au contraire, creusé par l'effet d'une extrême