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Libération
Reportage

Rwanda: des veuves, laissées pour compte. Deux ans après le génocide, leur survie, comme celle des orphelins reste très difficile.

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publié le 6 mai 1996 à 6h00

Kigali, envoyée spéciale

Le jour, ils se retrouvent au centre-ville de Kigali, assis par grappes de vingt sur des murets, face à ceux, plus âgés, qui changent au noir. De loin, un militaire, talkie-walkie crachotant à l'oreille, surveille nonchalamment la petite troupe d'enfants dépenaillés.

Parfois, la voix se brise, les yeux s'égarent. Jamais une larme. Claude, 8 ans, n'a plus que son frère, de quatre ans son aîné. Ils vivent depuis deux ans dans la rue, enfants aux familles décimées ou disparues dans la folie du génocide d'avril 1994. L'autre, à côté, a 13 ans. Il traîne dans un T-shirt crasseux, un vieux catalogue roulé à la main avec lequel il se frappe la poitrine. Un coup pour chaque mot qui peine à sortir. Il se souvient de son nom. Pas de son prénom.

Les enfants disent qu'ils sont «plus de 100» à vivre dans la rue. Le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef) en a enregistré plus d'un millier. Deux ans après la guerre, 115.000 enfants, au moins, sont seuls au monde. Un tiers d'entre eux se trouvent encore dans des camps, au Zaïre, au Burundi ou en Tanzanie. Les enfants de la rue comme ceux qui ont été recueillis dans des orphelinats ou par des familles, les enfants soldats ou ceux qui croupissent en prison, mettront des années à se remettre des massacres. Selon le Dr Leila Gupta, de l'Unicef, qui vient de publier une enquête sur plus de 3.000 d'entre eux, 79% des enfants comptent un ou plusieurs morts dans leur famille proche. Presque tous ont été les témoins de