Pékin, de notre correspondante
«C'était à la fin du mois de juin, en 1966... Je me souviendrai toute ma vie de cette journée qui fut la première réunion de lutte contre les forces traditionalistes. Nous avons fait monter sur une estrade la directrice de notre lycée. C'était une femme d'une cinquantaine d'années qui disait qu'elle aimait ses élèves comme une mère ses propres enfants. On pensait que c'était une idée révisionniste... et puis elle venait d'une mauvaise famille, de propriétaires terriens. On a mis un chapeau pointu sur sa tête et commencé à la critiquer. Il faisait chaud... Au bout d'un moment, quelques élèves sont montés sur l'estrade et ont commencé à la battre à coups de pieds et de poings. Le chapeau a lentement glissé sur son visage. Elle ne pouvait plus voir d'où venaient les coups. Celui qui tapait le plus fort était le meilleur athlète du lycée. Soudain, quelqu'un a donné un coup de pied si violent qu'elle est tombée de l'estrade, inconsciente... La réunion a été interrompue. Personne ne l'a défendue. C'était impossible de prendre son parti. Elle était une ennemie de classe et nous devions montrer nos sentiments révolutionnaires. Moi même je ne l'ai pas frappée car je venais également d'une mauvaise famille d'intellectuels. Mon père avait enseigné à l'Académie militaire. Quelques jours plus tard, j'ai revu la directrice dans la rue. Elle était méconnaissa- -ble...»
Folie collective. Xu Youyu, 48 ans, aujourd'hui professeur de philosophie à l'Académie des