Alger, envoyée spéciale
Sur la table du secrétariat, à l'archevêché d'Alger, deux dossiers en carton de couleur sont posés côte à côte. L'étiquette de l'un porte les mots: «Moines trappistes». Sur l'autre, un religieux s'applique à calligraphier: «Monseigneur Duval». Un voisin passe par hasard, son cabas à la main. Aussitôt, il s'affole: «Mon Dieu, ce n'est pas possible. Pas lui aussi. Ne me dites pas qu'il a été...» «Non, non, les suites d'une opération», le coupe le religieux. «Alors, réjouissons nous pour lui», reprend le passant. «Mais nous, les Algériens, nous venons de perdre un grand homme.» «Mohamed Duval», Léon-Etienne Duval, arrivé Savoyard dans une colonie française, est mort hier matin, à l'âge de 93 ans, dans sa maison près de Notre-Dame-d'Afrique, Algérien dans une Algérie où il voulait «rester toujours».
Savoyard. Dans une chapelle de la capitale, une religieuse arrange un bouquet au pied de la photo d'un homme, grand et sec, visage aux lunettes sévères. C'est Duval, fils de paysan, débarquant à Constantine, en 1947. Il a alors 44 ans, un passé de prêtre résistant, quelque part près d'Annecy, dont il n'aime pas se vanter. Aux curés, aux frères et aux soeurs perdus dans les montagnes et les déserts algériens, il envoie des «notes» pour s'étonner que ceux-ci ne portent pas scrupuleusement la corde qui ceint l'aube ou l'anict, rabattu en capuchon, pour dire la messe.
Indépendance. «Il lui fallait des situations exceptionnelles pour sortir des rigueurs de la religio