Moscou, correspondance
Mèche et moustache gominées, Evgueni Kisseliev, journaliste vedette de la chaîne privée NTV, ne tarit pas d'éloges pour le président Boris Eltsine. «L'acte le plus important depuis l'abolition du servage», roucoule-t-il en parlant du décret sur la fin de la conscription, généralement considéré comme une promesse purement électorale. Comparer le chef de l'Etat russe au «tsar libérateur» Alexandre II, voilà qui change des habituelles piques à l'encontre du Kremlin, un ton unique à la télévision qui avait fondé la réputation d'indépendance de la chaîne NTV.
Bête noire de nombreux médias démocrates pendant la guerre en Tchétchénie, Boris Eltsine semble devenu leur champion depuis l'ouverture de la campagne électorale. Au-delà des pressions du pouvoir, les analystes constatent, chez les journalistes, un renoncement volontaire à l'esprit critique devant la menace d'un retour des communistes aux affaires à l'issue du scrutin présidentiel du 16 juin prochain.
Si les deux chaînes nationales, ORT et RTR, ainsi que certains journaux sont traditionnellement les porte-voix du pouvoir, ce revirement est une nouveauté en ce qui concerne les médias réputés indépendants. Moskovsky Komsomolets, le quotidien moscovite le plus populaire et traditionnellement incisif, a mis toute sa verve au service d'un discrédit systématique du candidat communiste. Pas une semaine sans que, titre catastrophiste à l'appui, MK ne publie quelque «information secrète» censée prouver les visées