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Libération
Reportage

Tabou, refuge sans camps pour les LibériensAvec l'aide internationale, la petite ville ivoirienne accueille et intègre ses voisins sans trop compter.

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publié le 8 juin 1996 à 7h12

Tabou, envoyée spéciale

Hier, ils ont tué un serpent long de deux mètres. Affalés sur des lits de camp, une dizaine de militaires ivoiriens commentent l'événement de la semaine. De l'autre côté de la Cavally, la même forêt dense, la même boue rougeâtre. Un jeune homme est assis au pied d'un drapeau libérien. Un militaire ivoirien désigne la silhouette immobile: «un rebelle.» Cinquante mètres d'eau les séparent, aisément franchissables en pirogue. Ce que ne se privent pas de faire, deux fois par jour, les paysans libériens réfugiés à Patai-Dié, le village qui jouxte le camp militaire. Ils vont cultiver leurs champs, côté Liberia, et reviennent le soir. Les rebelles, eux, traversent le fleuve pour faire leurs courses en Côte-d'Ivoire. «Du moment qu'ils ne sont pas armés...»

Plus de 300.000 réfugiés libériens. A quelques centaines de mètres au sud, la Cavally se jette dans l'océan. C'est par là que passent les réfugiés. Le jour où les militaires tuaient le serpent, 195 personnes débarquaient d'un chalutier quelque part entre Tabou et le port de San Pedro. La Côte-d'Ivoire les a accueillis sans faire d'histoire. Comme elle l'a fait, la semaine suivante, pour une barge d'une centaine de personnes. Les réfugiés du Bulk Challenger, le cargo nigérian qui avait accosté le 8 mai à San Pedro avant d'être renvoyé en mer, n'ont pas eu de chance: trop nombreux, trop visibles. La Côte-d'Ivoire, qui accueille plus de 300.000 Libériens sur son territoire, dont la moitié dans la région de Ta