Il s’est assis au deuxième rang comme un passager ordinaire. Dans le Tupolev 134 crasseux qui relie Moscou à Orenbourg, dans le sud de l’Oural, seuls quelques voyageurs le remarquent. Deux femmes lui tendent un minuscule calendrier et un stylo. «S’il vous plaît, Mikhaïl Sergueïevitch...» Un député, membre du parti démocrate Iabloko, lui fait un signe de tête. Une babouchka siffle entre ses dents: «Il faudrait cracher sur son crâne chauve.»
Mikhaïl Gorbatchev est en tournée électorale. A 65 ans, le dernier dirigeant de l'Union soviétique se présente pour la première fois de sa vie au suffrage des Russes. Imperturbable, malgré les sondages qui le créditent d'un score ridicule entre 0,6 et 1% des voix , et les titres de la presse qui ironise sur «Gorbatchev, le retour». «Je ne cherche pas à être au volant. Tout ça, je l'ai eu, et en plus grand même. Mais les quatre prochaines années seront décisives pour la Russie. Eltsine promet la poursuite de la ruine, les communistes le retour en arrière. Il fallait bien intervenir», sourit Mikhaïl Gorbatchev.
Le gouverneur de la région d'Orenbourg n'est pas là pour l'accueillir à sa descente de l'avion. Le père de la perestroïka affecte l'indifférence: «Tout va bien.» La télévision locale le filme, mais ne diffuse pas l'interview, à cause d'un «problème technique». «On essaie de m'humilier, mais je ne m'arrêterais pas», confie-t-il en aparté.
Celui qui dînait en grand pompe avec les Mitterrand, Reagan et Thatcher, et tenait entre ses mains