Temuco, envoyé spécial
La pluie d'hiver a creusé des fondrières aux abords de Huayquilao. La route qui mène à Temuco, la capitale de la région de l'Araucanie, à 600 kilomètres au sud de Santiago, est proche, mais il faut patauger une bonne demi-heure à travers champs avant d'atteindre le hameau. Une centaine de Mapuches, descendants de la principale ethnie précolombienne du Chili, y vivent hors du siècle. Ni gaz ni électricité, ici on se chauffe, s'éclaire et cuisine au feu de bois. La culture céréalière et quelques têtes de bétail assurent une maigre subsistance, les jeunes partis travailler en ville pourvoient au reste, c'est-à-dire à peu de choses: vêtements, outils ou vaisselle.
A l'intérieur de sa «ruka», une masure sans fenêtre qui sert à la fois de salle de séjour et d'atelier de travail, Manuel Antilar remet des branches sur le feu. Le temps de peser ses mots, comme il sied à un «lonko», chef coutumier dont les propos engagent nécessairement la petite communauté. «La situation actuelle du peuple mapuche? Elle est terriblement mauvaise.» Pour preuves, des chiffres: à Huayquilao, les terres exploitées par les indigènes sont passées en vingt ans de 244 hectares à 65, à force de ventes plus ou moins régulières ou de procès gagnés par les grands propriétaires du voisinage.
«Ils ont exhibé des titres signés par je ne sais trop qui, proteste le vieil Indien, mais nous vivons là depuis toujours! Il y a cinq cents ans, notre territoire s'étendait sur une bonne moitié du Chili, d