Moscou, correspondance
Plus que la faucille et le marteau ou l'aigle bicéphale, c'est un petit tampon noir sur la carte d'identité qui devrait être l'emblème de la Russie. La propiska, cet «enregistrement» obligatoire sur le lieu de résidence, a survécu à tous les bouleversements historiques. Et, cinq années après la fin de l'URSS, les Russes ne peuvent toujours pas habiter où bon leur semble. Reconnue par la Constitution, confirmée récemment par les tribunaux, la liberté d'aller et de venir s'arrête là où commence le règne des municipalités. Moscou, pays de cocagne au regard de la débâcle économique générale, tient ainsi à réserver ses privilèges pour quelques rares citoyens élus, en délivrant la propiska au compte-gouttes. Dans la capitale, comme dans d'autres villes de Russie, textes et directives des pouvoirs locaux sont autant de digues administratives érigées pour contrôler les flux migratoires internes. Et cette mentalité de clocher réduit à l'état de fantôme civil les malheureux privés du fameux tampon.
Clandestinité. «Je ne peux pas me marier, je ne peux pas passer mon permis de conduire, je ne peux pas obtenir un passeport pour voyager, constate Veronica Koutsyllo, 28 ans, journaliste au quotidien Kommersant-Daily; on peut me refouler à l'aéroport. Un hôtel peut refuser de me loger en voyant que je ne suis enregistrée nulle part.» Fille d'une géologue russe installée au Kazakhstan, elle a quitté la steppe pour faire des études de journalisme à Moscou. Lorsque l'Union