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Libération
Reportage

Kwazulu Natal: les seigneurs de guerre aux urnes. La province sud-africaine, où la guerre des milices a fait 14.000 morts depuis 1986, élit ses maires.

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publié le 27 juin 1996 à 6h21

Pietermaritzburg, envoyé spécial

Recroquevillé dans un fauteuil, Paul Mhkize, 57 ans, soutient sa main gauche gantée de noir et toise le visiteur d'un regard froid, qui ne fuit jamais. Profonde et rauque, la voix claque comme un sjambok, le fouet sud-africain, nette et précise. Ses écoliers l'ont doté d'un nom de guerre qui a fait le tour de la province: Teaspoon (cuillère à thé), pour son petit corps sec et son extrême sévérité. Paisible enseignant dans le township de Wembezi, un ghetto noir de 85.000 âmes dans la banlieue de Estcourt, au coeur du Kwazulu Natal, jamais Teaspoon Mhkize n'aurait pensé qu'il deviendrait un des «seigneurs de guerre» les plus redoutés de la province zouloue.

Jusqu'à ce jour de 1991 où sa voiture tombe dans une embuscade «des unités d'autoprotection» du parti de l'Inkhata (IFP), rival de l'ANC de Nelson Mandela. «L'ANC était encore interdite par le régime d'apartheid, raconte Mhkize. Je critiquais ouvertement la gestion locale de l'Inkhata. Ils ont mis ma tête à prix.» Quatre hommes tirent à bout portant sur la voiture. Sa petite fille de deux ans, assise à ses côtés, est froidement abattue d'une balle dans la nuque. Miraculé, Paul Mhkize se retrouve à moitié paralysé, une balle logée près de la colonne vertébrale. «J'étais fou de chagrin. Après tout, je suis un homme. Je n'ai jamais su comment tenir un fusil. Mais, c'est un fait, j'ai appris à me battre et à défendre ma communauté.»

«Des mafieux».En cinq ans, Teaspoon est devenu l'une des gâchette