Reykjavik, envoyée spéciale.
Une femme en long manteau panthère, sur une minijupe en lamé, zigzague dans la foule, trois verres à la main. Elle bute sur un landeau et, long jet écarlate sur les dentelles immaculées, renverse le vin sur l'enfant endormi. Alors le père se lève. Prend une bouteille, «sa propre bouteille spécialement conservée pour cette soirée». Et sert la belle inconnue en hurlant de rire. On rit, on boit, on ne s'entend pas et on pourrait encore moins se compter dans ces salons de l'hôtel Saga de Reykjavik, pour la soirée électorale qu'offrait samedi le candidat à la présidentielle, Olafur Ragnar Grimsson.
Alors que sa victoire s'affiche à peine sur l'écran, le voilà qui arrive. De petites phrases en bon mots, il emballe son discours en vieux briscart des tribunes, qui a navigué d'un militantisme gauche-gauche à une carrière de ministre gauche-centre. Olafur n'avait pourtant rien pour plaire à ses compatriotes: 53 ans, grande gueule au milieu d'une classe politique dont les valeurs sont la tempérance et le compromis, batailleur dans un pays où l'indépendance fut conquise sans un coup de feu tiré ni un homme en prison, luthérien aux convictions flottantes alors que l'accord d'un prêtre reste obligatoire dans les procédures de divorce. Mais après la présidence Vigdis Finnbogadottir, restée seize ans au pouvoir dans une perfection souriante qui lui valu le surnom de sainte Vigdis, l'Islande s'encanaille avec un président qui n'est définitivement pas son genre.
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