Moscou de notre correspondant
Voûtée, ridée, la main tremblante, Sveta agence les ciboires, redresse les cierges, attise la braise dans l'encensoir. Tournant sans cesse autour d'un gigantesque candélabre, elle mène, à petits pas, la charge d'une poignée d'arrière-grand-mères en fichus, qui veillent avec dévotion au bon déroulement du service dans la chapelle principale du monastère Novospaski. Véritables adjudants, ces bigotes orthodoxes donnent le signal des innombrables génuflexions, secouent les hésitants, sermonnent les nonchalants, couvrant les chants graves des popes de leur voix de crécelle. Sans pour autant sembler troubler le recueillement des rares fidèles. Dépositaires de la foi sous la répression soviétique, piliers du culte en ces temps de timide renouveau religieux, les «babouchkas» règnent sur l'église comme des gardiennes sur une cage d'escalier. Et malgré leur agitation envahissante, personne n'oserait leur contester ce droit.
On n'en remontre pas à Sveta. Elle baptisait déjà clandestinement les enfants du quartier de la Taganka quand quelques années de camp de travail pouvaient punir un tel manquement à l'athéïsme officiel. La retraitée ne garde toutefois guère de rancune envers les communistes, s'apprêtant même à leur donner sa voix lors du scrutin présidentiel. Et les appels du patriarche Alexeï II à soutenir le chef de l'Etat n'y changeront rien. «Aujourd'hui, en ces temps de foi pour la Russie, le président Boris Eltsine a joué un grand rôle en unifiant