Istanbul de notre correspondant
Trois semaines à peine après leur accession au pouvoir dans un gouvernement de coalition, les islamistes turcs du Refah (Parti de la prospérité) de Necmettin Erbakan sont accusés d'infiltrer l'appareil d'Etat et en premier lieu la justice. La polémique se concentre tout d'abord sur le nouveau garde des Sceaux, Sevket Kazan. Figure de proue du parti et avocat de renom, il défendit notamment les islamistes accusés du massacre de Sivas (est), où 37 intellectuels et artistes furent brûlés en juillet 1993 dans l'incendie d'un hôtel et obtint pour eux des peines relativement légères. Désormais ministre, il vient de soumettre au Haut Conseil de la magistrature un décret de nomination de 1.320 juges et de procureurs qui écarte des postes clés les défenseurs de la laïcité et les remplace par des islamistes.
Ces mutations visent d'abord les magistrats qui avaient ces derniers mois enquêté sur la corruption des dirigeants islamistes ou sur les proches de Tansu Ciller, désormais vice-Premier ministre de la coalition islamo-conservatrice. Ainsi, le procureur de la République d'Ankara, Nazmi Sarvan, connu pour ses idées républicaines, est envoyé à Mersin, petite ville de la côte sud. «Ce décret de mutation est comme une inculpation», a déclaré ce juge, qui était en charge du dossier d'un homme d'affaires proche du Refah, Suleyman Mercumek, accusé d'avoir détourné au profit du parti plusieurs dizaines de millions de dollars collectés pour la Bosnie et qui n'y