«Entrepreneur? Et puis quoi encore?» Eva a suffisamment de soucis
comme ça. N'étaient ces yeux mangés de fatigue, elle paraîtrait à peine ses 20 ans, avec des rondeurs d'enfance que camouflent mal une minijupe et un blouson de cuir étriqué. Elle a deux enfants, en attend un troisième et fait le trottoir dans le VIIIe arrondissement de Budapest, une éternelle cigarette au bec. «Ils veulent nous faire payer des impôts! Et comment je ferai pour m'en sortir?», fulmine-t-elle. La passe est à 2.000 forints (environ 70 F), à partager avec le patron. Plus encore qu'ailleurs à l'Est, l'industrie du sexe et la prostitution explose dans ce pays de passage qu'est la Hongrie. Les autorités sont bien décidées à adopter une législation plus stricte pour encadrer ce juteux business, hésitant entre une totale libéralisation inspirée du modèle allemand ou la création de quartiers réservés, où cette activité serait tolérée (lire ci-contre). Mais dans un cas comme dans l'autre, en dotant les péripatéticiennes d'un statut d'«entrepreneur», l'État entend bien prendre sa part. Et les «professionnelles» ont beaucoup de réserve...
De l'autre côté du square qui grouille d'animation dès la tombée de la nuit, Julia, 19 ans, cheveux blonds coupés en brosse et petite robe rouge, discute avec son mac qui tourne en voiture. L'idée de réglementer la profession la fait éclater de rire. «Ce n'est pas la première fois qu'ils veulent nous enfermer. A un moment, on parlait de nous isoler sur l'île de Csepel (au m