Lisbonne envoyé spécial
Les grues disputent la suprématie du ciel aux étendues de tuiles. Les échafaudages voilent les façades les plus lépreuses. Lisbonne fait peau neuve. Au rythme forcé des marteaux-piqueurs, elle se prépare à accueillir «son» Exposition internationale, en 1998, cinq siècles après la découverte de la route maritime des Indes par Vasco de Gama. Le Portugal veut laver l'outrage de l'Expo 92 de Séville qui, tout à Christophe Colomb, au cinquième centenaire de la découverte de l'Amérique par les Espagnols, gomma le souvenir de ses propres grands navigateurs. Au-delà de ces rancoeurs parfois haineuses qui marquent les relations entre les deux locataires de la péninsule ibérique, Lisbonne veut saisir l'occasion pour se transformer, sauter du XIXe siècle où elle semblait s'être arrêtée, au XXIe.
Antonio Sergio Pessoa, l'un des responsables du projet, est plus radical encore: «L'Expo 98 est un défi pour les urbanistes, puisque jamais depuis la reconstruction de Lisbonne par le marquis de Pombal, après le tremblement de terre de 1755, un projet aussi grandiose n'a été lancé.» La ville, déjà, est en travaux, grandes oeuvres ou labeurs de fourmis. Cette ville corsetée par l'infranchissable estuaire du Tage qui freine son expansion, congestionnée par un trafic anarchique, rongée par la crasse du temps, fascinante comme une maison seigneuriale abandonnée, veut retrouver ses splendeurs et freiner l'hémorragie de ses habitants, dont le nombre est passé sous le million