Pékin de notre correspondante
L'adresse est réservée aux initiés. Dans le dédale de ruelles sombres qui borde le nord de la Cité interdite, l'ancien palais aux murailles rouges où des générations d'empereurs ont vécu reclus, rien, a priori, ne distingue le minuscule restaurant Chez Lili. Au numéro 11 de la rue du Mouton, une petite lanterne de papier se balance sous la brise d'été. La vieille porte en bois grince sur la marche de marbre. Dans l'allée poussent des plantes aromatiques en pots.
Une porte s'entrouvre à gauche, révélant une pièce sombre et trois tables. Un vieil homme au visage noble, cheveux blancs en arrière, se courbe, mains jointes sur la poitrine. Il est Mandchou. «Nous ne faisons que des plats inspirés de la cuisine impériale. Notre cuisine n'est pas aussi bonne qu'à l'époque car il nous manque beaucoup d'ingrédients», s'excuse poliment le propriétaire des lieux, Li Shanlin, 75 ans. Le célèbre cuisinier n'a pas perdu le sens des affaires et distribue immédiatement sa carte de visite sur laquelle est inscrite une qualité surprenante: monsieur Li est professeur agrégé de mathématiques...
Devant la table principale, qui peut accueillir une douzaine de convives, se détache une calligraphie signée de Pu Jie, le frère du dernier empereur. Li Shanlin explique, tout en servant une mousse de lentilles vertes relevée de piment: «Mon grand-père était le chef des gardes de la Cité interdite, de 1887 à 1903, auprès de la dernière impératrice Tseu-Hi.» A l'époque, les recet