Rustenburg envoyé spécial
Cela fait bien une heure déjà que le thé de Graham Byrom, maître-brasseur à Thlabane, a refroidi dans sa tasse. A 9 heures du matin, c'est l'heure de pointe à la brasserie. Au coeur du complexe minier de Rustenburg, la plus grosse mine d'aluminium du monde, Thlabane est à la croisée de la petite ville blanche proprette, du grand ghetto noir et des derricks. Graham Byrom est d'autant plus à la bourre, qu'une excellente nouvelle pour ses affaires vient de frapper à la porte. Près de 28.000 mineurs noirs sont en grève. Avec le week-end qui approche, les shebeens, les bars informels du township, vont être pleins à craquer. Dans la cour de la brasserie, s'entassent les sacs de maïs et de sorgho, ingrédients de la bière traditionnelle. Les cuves géantes débordent de 15.000 litres d'un liquide amer et moussu. En bas, les camions font rugir leur moteur, prêts à embarquer leurs milliers de cartons de bière. Il ne faut pas perdre une minute. Sortie des cuves, la bière doit être consommée dans les huit heures, sinon elle tournera et sera imbuvable.
Beuveries. Dans le township de Thlabane, au bout d'une ruelle poussiéreuse balayée par le vent d'hiver, Maria Senne, 64 ans, a préparé trois gros chaudrons de fonte et une énorme cuillère en bois. Demain, elle se mettra au travail et préparera 150 litres de bière, qu'elle vendra 2 F le litre. Ses clients, des voisins ou des «reines du shebeen», imposantes tenancières de gargote où circulent des bidons de plastique re