Montréal de notre correspondant
L'amphithéâtre est comble. C'est la fin de l'été 1992 et, sur l'air des lampions, les étudiants scandent leur opposition au déblocage des frais de scolarité. Sur l'estrade, Pierre Vallières, l'auteur de Nègres blancs d'Amérique (l'ouvrage, publié chez Maspero au tournant des années 70, révéla la condition d'exploités des Québécois), vient d'évoquer son enfance, puis l'obstacle infranchissable que furent, pour lui, les droits d'entrée à l'université. L'économiste Bernard Landry aujourd'hui ministre des Finances lui donne la réplique avec grandiloquence sur le thème des droits et des acquis des étudiants. Soudain, dans l'assistance, une voix explose: «Simplement le droit à la poutine. Nous voulons au moins le droit à la poutine!»
Bas de gamme. Politicien aguerri, Bernard Landry se tait et laisse un de ses collègues tenter de retourner l'auditoire en soulignant le «caractère éventuellement condescendant» de la référence. Bide. Silence hostile. Les universitaires québécois, qui s'endettent envers le gouvernement pour leur scolarité, associent véritablement, depuis la fin des «glorieuses», leurs études supérieures aux «années-poutine». Dans une autre conjoncture, la contre-attaque aurait pu porter, car la poutine est indiscutablement un mets bas de gamme, associé à une misère aussi bien sociale qu'économique, et, contrairement à ce que laisse entendre le romancier Michel Tremblay, si «la femme d'à côté» est grosse, c'est plus probablement parce q