Helsinki envoyée spéciale
Le tsarisme s'effondrait et les Finlandais s'étripaient, «rouges» russophiles contre «blancs» soutenus par l'Allemagne. Un siècle de vie commune touchait à sa fin, et entre Helsinki et Moscou, rien ne serait plus jamais comme avant. C'est en cette tumultueuse année 1917 que Reko Paulo ouvrit un restaurant russe au pied de la cathédrale orthodoxe d'Helsinki. L'histoire ne dit pas si cet éleveur de chevaux estonien affirmait ainsi une conviction autre que gastronomique. Il fallait être un peu visionnaire pour se lancer dans la confection de pelmeni et de saslik quand, au dehors, les fusils claquaient.
Nostalgie. Le restaurant de Reko Paulo survécut à la guerre fratricide et à la famine qui marqua les premiers mois de la Finlande indépendante. Quinze ans plus tard, prospère et naturalisé, Monsieur Paulo vendait son établissement à un Finlandais qui avait flairé le retour de la mode impériale. Tandis qu'à l'autre bout du golfe de Finlande, Saint-Pétersbourg devenait Leningrad, le tout-Helsinki mangeait «blanc». La nostalgie des tsars titillait le palais de la sociale-démocratie. La Deuxième Guerre mondiale finit de convaincre les Finlandais que les Soviétiques sentaient l'ail, bulbe étranger à cette contrée aux hivers si longs, et les Russes, le rôti juteux de crème sure.
Le Bellevue est aujourd'hui le plus ancien des sept restaurants russes d'Helsinki. Tous se présentent comme les derniers tenants de la gastronomie «d'avant 1917». On ne contestera pas