Oulan-Bator envoyée spéciale
Accroupi, noir de crasse, sous une table du café de l'Opéra, en plein centre de la capitale mongole, un gamin d'environ 8 ans enfourne à toute allure des poignées de frites. Des clients japonais ont glissé discrètement sous la table une assiette pleine et l'un des quinze enfants abandonnés qui observaient les convives à quelques mètres de distance, s'est précipité comme un animal affamé. Le serveur a aperçu le manège et feint, très gêné, de ne rien voir, tournant ostensiblement le dos en s'occupant des autres tables. Mais, au bout de quelques secondes, le gavroche toujours là, revoici le serveur qui hésite, tourne autour de la table et, finalement, reprend l'assiette. L'enfant est parti en courant avec des yeux pleins de larmes et de reproches, mais sans un cri. Le plat était encore à moitié plein.
Depuis quelques années, la Mongolie redécouvre l'indigence. En coupant brutalement les ponts avec Moscou en 1990, profitant de la pagaille provoquée par l'effondrement de l'Union soviétique, la Mongolie espérait se libérer du joug d'un communisme stalinien, imposé pendant plus de soixante-dix ans. Mais la réaction du Kremlin a été cinglante. En quelques jours, la Mongolie, un pays grand comme trois fois la France, enclavé entre la Chine du Nord et la Sibérie, a vu s'interrompre la quasi-totalité de ses sources d'approvisionnement qui venaient jusque-là, dans leur grande majorité, de l'ancien bloc de l'Est. Tickets de rationnement. La transition rapide d