Ils vivaient à Voljavice. Le 13 mai 1992, la guerre a séparé le
couple. Trois ans après, ils se sont retrouvés. Réfugiés à Sarajevo, ils n'espèrent qu'une chose: rentrer chez eux.
Sarajevo, envoyé spécial Lorsque Salko raconte la scène aujourd'hui, accroupi sur un tapis acrylique, un plateau de café turc à ses pieds, il souligne, hilare: «Je n'y croyais plus du tout, mais je l'ai fait.»
Dans les ténèbres de la nuit estivale qui adoucissait la fébrilité d'une étouffante journée, sur un campement impromptu, il s'était approché une dernière fois du grillage. A un policier qui tenait un porte-voix, il avait demandé de crier «du plus fort de sa voix»: «Si parmi vous il y a Zuhra Memmedovic, elle doit se rendre au portail.» Puis il s'était assis dans le halo d'un projecteur près d'un baraquement de Dubrave, d'où parvenait le flot des gens de Srebrenica.
Deux jours et deux nuits Salko avait guetté les autobus, les cortèges de marcheurs, en vain. Voilà pourquoi, sans illusion, mais «pour s'épargner le remords», il avait patienté une heure de plus. Qu'est-ce qu'une heure pour qui attendit trois ans?... Alors, soudain, il les aperçut dans la pénombre à travers la clôture. Zuhra, son épouse, coiffée d'un fichu incolore, vêtue d'un chemisier «qui pendait», d'une jupe trop ample, avec un bébé de six mois sous le bras. A ses côtés marchait Mejra, leur fille.
Le policier leur ouvrit la grille sans noise. Ni Salko ni Zuhra ne se souviennent de leurs premiers mots. Lui en tête, les deux femmes de