Foca, envoyé spécial.
L'arrêt de l'autobus KV 515 36, sur la route qui mène de Foca (République serbe) à Gorazde (Fédération croato-musulmane), fait instinctivement penser à un arrêt-pipi. Pas l'ombre d'un mur, dans les prés, qui puisse abriter un bureau de vote. Pas l'ombre d'un doute, pourtant: ce véhicule bardé d'affichettes et de sigles a été réquisitionné pour le transport d'électeurs. Première anomalie: les gens entassent fardeaux et sacs le long du fossé. Une deuxième: le chauffeur, son véhicule à peine désempli, opère un demi-tour express. Plus bizarre enfin: loin de protester ou se navrer, les soixante personnes abandonnées ainsi en rase campagne, sous un soleil déjà chaud, s'enlacent, se congratulent, se tapent dans les mains, avant de prendre la route à pied, avec baluchons et valises. Cinq kilomètres plus loin, ils seront en zone croato-musulmane.
L'autobus vert et crème, d'une compagnie monténégrine, repart donc vers Foca. Trois kilomètres plus loin, il franchit un barrage qui marque l'entrée en République serbe, longe la Drina pour trouver un pont franchissable, et rejoint, au fond d'une rue pavillonnaire, l'école primaire Saint-Sava. Dans ce bâtiment vétuste se situe le bureau de vote numéro 7. Sur le parking d'en face, surplombant la rivière, des autobus garés en épis débarquent depuis le matin des électeurs venus de Serbie et du Monténégro. Après leur devoir civique, ces gens, anciens habitants de Foca pour la plupart, s'éparpillent vers le centre, où ils retr