Kayes envoyée spéciale
Kayes, c'est d'abord une gare, à la frontière occidentale du Mali. Achevé en 1906 sous la férule coloniale et au prix de centaines de vies humaines, le chemin de fer Bamako-Dakar est le seul moyen abordable pour les Maliens de la région d'aller et de venir. Un train par jour pour faire en douze à quinze heures les 600 kilomètres qui séparent Kayes de la capitale. La route est impraticable. Le petit avion de quinze places, trop cher. Kayes, plus de 60 000 âmes, vit donc au rythme fantaisiste des trains qui passent. Marché improvisé, lieu de rencontres, la gare est le centre nerveux de la ville. Toujours éclairée, même en cas de coupure d'électricité, ce qui est fréquent. Quand le train siffle trois fois, c'est l'effervescence. Le reste du temps, les moutons broutent entre les rails et les glandeurs vont boire un coup en face, à l'hôtel du Rail.
Investissements. C'est de cette région totalement enclavée, oubliée d'un Etat qui consacre ses maigres ressources au Mali «utile» Bamako, Segou... que vient la majorité des immigrés. En saison sèche, il y fait plus de 40 degrés. Les pluies de l'hivernage défoncent les pistes et les rares routes goudronnées, glonflent les marigots et isolent les villages. Sans l'argent des immigrés, la dénutrition serait catastrophique. Plus organisée et plus importante que les autres, l'immigration soninké envoie non seulement de l'argent aux familles mais creuse des puits et construit des dispensaires et des systèmes d'adduct