Genève, de notre correspondant
Exaspérés par les blocages politiques dans leur lutte contre la corruption, sept magistrats européens ont lancé hier à Genève un appel aux gouvernements pour construire une Europe «où la fraude et le crime ne bénéficieraient plus d'une large impunité». Sept juges (le Belge Benoît Dejemeppe, l'Espagnol Baltasar Garzon, le Français Renaud Van Ruymbeke, les Italiens Gherardo Colombo et Edmondo Liberati et le Suisse Bernard Bertossa) «ont décidé de rompre la loi du silence», selon le mot de Van Ruymbeke, pour dénoncer les affaires étouffées par les hommes politiques, les entraves mises à leur travail, les bloquages permanents qu'ils rencontrent et dont ils témoignent dans un livre intitulé la Justice ou le chaos.
Leur témoignage est édifiant. Baltasar Garzon estime que son efficacité «est de 4 sur 20»: «Il est aujourd'hui plus facile d'ouvrir une banque que de la voler. Il suffit de 15 000 dollars dans un paradis fiscal», constate-t-il. Renaud Van Ruymbeke ajoute: «Il suffit d'envoyer un porteur de valises à Gibraltar, à Jersey et à Londres, et n'importe quel juge se plantera. On a beau demander une commission rogatoire, personne ne nous répond.» Les juges sont excédés par le fait que l'entraide judiciaire est inexistante ou ralentie par les politiques, qu'une organisation criminelle n'a qu'à verser une commission de 200 000 dollars pour en blanchir 20 millions, que l'argent de la drogue (1 500 milliards de francs chaque année) emprunte sans trop d'a