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Analyse

Les Français atteints par l'europessimismeBien que s'affirmant proeuropéens, les Français s'inquiètent du prix à payer.

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publié le 7 octobre 1996 à 23h23

«En matière de construction européenne, les gouvernants français

sont de nouveau en avance sur l'opinion», observe avec plaisir un ancien proche de Jacques Delors. L'ennui, ajoute-t-il, c'est que rien n'est fait ou presque «pour combler le décalage» croissant entre un pays qui sombre dans la déprime et des ministres des Finances qui se congratulent par avance du «grand succès» de l'euro. «C'est sûr que la lettre commune de Jean Arthuis et Theo Waigel ne pénètre pas dans les chaumières», grince-t-il.

«Tâche immense». Depuis la fin de l'été, la bonne vieille locomotive Paris-Bonn a mis le turbo pour le lancement ­ de plus en plus irrévocable ­ de la monnaie unique, début 1999, et le bouclage, dès juin 1997, de la révision du traité de Maastricht. A quelques jours d'intervalle, on entend Jacques Chirac exhorter les Français à ne pas céder «au pessimisme et au renoncement» face à «la tâche immense» qui attend le pays, et Helmut Kohl annoncer à son peuple des lendemains «difficiles», tandis que, dans les deux pays, redémarrent grèves et manifestations contre la politique d'austérité, la remise en cause des acquis sociaux et la montée du chômage.

Comme s'en inquiète Stéphane Rozès, directeur des études d'opinion de l'Institut CSA, «il y a une tension de plus en plus forte entre le sentiment proeuropéen qu'affirment toujours les Français et leur interrogation sur le prix à payer: pourquoi un si long chemin de croix pour quelle rédemption?» De pourfendeur de la fracture sociale, Jacque