Bruxelles envoyée spéciale
«On était dans l'atelier, entre ouvriers, la radio allumée, comme on en a pris l'habitude depuis deux mois, quand les corps des deux petites filles ont été découverts. On a entendu qu'il y avait de nouvelles manifestations. On a posé nos tartines, enfilé les anoraks, et on s'est demandé: Où est-ce qu'on va aller pour gueuler?» Ces ouvriers en agroalimentaire bruxellois se sont retrouvés vendredi devant le palais de justice. Depuis lundi, où le très populaire juge Conerotte a été dessaisi du dossier de Marc Dutroux, suspecté de meurtres d'enfants et de pédophilie, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue. Spontanément et partout en Belgique. L'émotion de ces défilés, qui, de ville en ville, semblent se passer le relais de la colère, est sous-tendue par l'énervement d'une attente, une impatience nationale, comme si le calendrier belge ne devait plus compter qu'un seul jour: le 20 octobre.
Le hasard veut en effet que, dimanche, une grande manifestation soit prévue à Bruxelles, appelée voilà longtemps déjà par les parents des enfants disparus. Souvenir et solidarité, disent les affiches qui recommandent de venir sans banderoles politiques ni calicots de partis. Et avec un seul signe de reconnaissance: du blanc, vêtement ou brassard. Mais quelle que soit la pureté des intentions des organisateurs, ce blanc-là va pourtant ressembler à celui d'une page vierge où chaque Belge va écrire ses propres revendications. Individuelles, bie